Selon un sondage, 56 % des Français pensent que le nombre d'étrangers est trop important
LE MONDE | 17.12.05 | 14h26 • Mis à jour le 17.12.05 | 14h26
Le sondage CSA, réalisé depuis dix ans pour la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur la xénophobie, montre une hausse spectaculaire du nombre de personnes se disant racistes. Un Français sur trois déclare que "personnellement, il dirait de lui-même qu'il est raciste" (+ 8 points par rapport à 2004). "La parole raciste s'est libérée", relève une note d'analyse confidentielle de cette instance placée auprès du premier ministre.
Tous les indicateurs de cette étude, réalisée du 17 au 22 novembre auprès d'un échantillon représentatif de 1 000 personnes, vont dans le même sens. 56 % des sondés (+ 18 points) estiment que le nombre d'étrangers est "trop important" et pose un problème pour l'emploi. 18 % lient cette question à l'insécurité.
Cette radicalisation est aussi marquée dans les réponses sur les immigrés : 55 % jugent leur nombre trop important (+ 9 points). Le nombre des Français qui considèrent que les travailleurs immigrés "sont en France chez eux puisqu'ils contribuent à l'économie française" baisse de 11 points.
La banalisation des opinions racistes concerne surtout les hommes, les personnes âgées, les artisans, commerçants et chefs d'entreprise et les ouvriers. C'est dans les communes rurales que le rejet de l'étranger est le plus fort : 48 % s'y déclarent racistes (+ 11,7 points). La région parisienne ne connaît pas de variation. Les sympathisants de droite sont plus enclins à assumer leurs opinions xénophobes : 50 %, contre 23 % à gauche. Les partisans du FN et du MNR se déclarent racistes à 91 %. Preuve supplémentaire de "la levée des tabous et de la banalisation" des idées racistes, 63 % des Français estiment que "certains comportements peuvent parfois justifier des réactions racistes".
La CNCDH juge cette dérive "inquiétante". La note relève que le sondage a été effectué dans "un contexte de violences urbaines à prendre en compte dans l'analyse des chiffres". Les résultats sont à rapprocher du sondage réalisé pour Le Monde et RTL par TNS-Sofres, qui montrait une plus grande acceptation des idées du FN, avec 24 % des Français se déclarant d'accord avec les positions de Jean-Marie Le Pen (Le Monde du 15 décembre).
Cette prudence n'empêche pas certains de rapprocher cette "lepénisation" de l'opinion des déclarations récentes de certains ministres ou responsables UMP. "On assiste à une radicalisation ethnocentriste due au fait qu'une partie de l'UMP a ethnicisé la question sociale", estime Stéphane Rozès, directeur général de l'institut CSA. "Ce glissement est certes un résultat direct des émeutes, avec un réflexe d'ordre, mais aussi la conséquence des discours du gouvernement et de la droite, qui ont multiplié les propos provocateurs et stigmatisant les étrangers", assure une figure de la défense des libertés.
Les résultats complets devraient être publiés en mars 2006 dans le rapport de la CNCDH. "Si le sondage était alors refait, les résultats seraient probablement plus modérés", note le CSA.
Sylvia Zappi
Article paru dans l'édition du 18.12.05